Fraga XIV – ombre & monotype

Le travail du monotype est une sculpture, un modelage de l’ombre. L’encre grasse sur la surface de verre offre une mine de sensations tactiles. Sur le support neutre, l’outil (pinceau, doigt ou stylet) transmet, telle l’aiguille du gramophone, toutes les vibrations de cette matière ombreuse. Tout commence par des traces d’obscurité qui charpentent peu à peu l’espace, puis des pénombres se tissent et s’entrelacent. Vient ensuite le temps du modelage, de fouissement au sein de l’ombre. Elle se replie, s’allège, s’ouvre, entre en vibration pour contenir la lumière.
Durant cette lente élaboration, le champ d’ombre s’offre comme lieu de réminiscence avant que l’estampe n’en devienne l’empreinte : le renversement de l’image dans le processus d’impression propose alors un écho de ces lieux qui ont imprégné mon propre corps.
Le tirage est unique : lorsque le papier se couche sur la plaque de verre, l’union est scellée.
Une seule journée sera le temps maximum pour créer les possibles de cette rencontre. Au-delà, l’encre sèche. Si l’ombre reste trop longtemps sur sa matrice, elle refuse de quitter la transparence du verre et venir envelopper la luminosité du papier.
Tout se rejoue au moment de la rencontre : il n’y aura pas de repentir, de réitération possibles. Le monotype est une estampe qui n’a aucun multiple, pas de tirage d’essai, pas de renfort dans la morsure de la plaque, pas de rectification de l’encrage.
Vient le dernier moment, celui où le voile est levé…

3 réflexions sur “Fraga XIV – ombre & monotype

  1. Quel beau texte pour comprendre ce qu’est la création artistique, la découverte d’une technique particulière et les émotions ressenties. Vidéo superbe qui dévoile peu à peu l’oeuvre jusqu’à son aboutissement. Merci

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